Un mercredi après-midi du mois de décembre, Nicolas et Christophe assurent l’ouverture de leur skatepark improvisé pour l’hiver au Hall Kervizic A du Parc de Brézillet. Il fait si froid dehors, « en dessous des moyennes de saison » d’après le jargon météorologique entendu à la télévision le matin même. « Cette salle, la mairie nous la met à disposition de novembre à janvier. Ensuite, ils la louent donc nous devons démonter tous les modules que nous y avons installés. » explique Nicolas, la quarantaine, qui chapeaute l’association Roulez Jeunesse. Le but de cette asso est de proposer des activités pour fédérer les skaters du territoire et aussi de faire l’interface avec les pouvoirs publics. Ainsi, cette salle est ce qu’ils ont obtenu de mieux pour pouvoir continuer de pratiquer le skateboard à cette saison malgré l’humidité des hivers bretons. Néanmoins, cela reste rudimentaire au regard du manque d’étanchéité et de la condensation rendant le sol glissant et donc quelque peu dangereux pour les pratiquants.
Christophe, aussi membre pionnier de l’association, est connu et reconnu sur l’agglomération pour enseigner le skateboard aux débutants. Son public est très large : des particuliers, des écoles et même des détenus de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc. Ce jour-là, deux de ses élèves sont présents à la salle. Avec bienveillance, il les aide à appréhender leurs premières figures malgré la peur légitime de s’élancer pour la première fois sur une rampe.
Christophe fait régulièrement le tour des différents sites du territoire pour skater : le pumptrack de Langueux, « super quand on aime la vitesse » ; le spot du parvis de l’IUT, « plus urbain pour ceux qui veulent faire de la street » ; et les skateparks de Balzac et du parc des Promenades. L’association s’est beaucoup battu pour la construction de ses équipements municipaux et en particulier le dernier skatepark. « Avant 2014, il n’y avait pratiquement rien à Saint-Brieuc ce qui n’est pas digne d’une ville comme celle-ci. Le skatepark de Balzac a été un premier point positif. » se rappelle Nicolas. En 2019, le grand skatepark des Promenades est arrivé telle une aubaine pour les riders du coin. « Il est bien car il a été réalisé par des vrais constructeurs de skateparks et non par des entreprises de construction quelconques répondant aux appels d’offre des marchés publics comme c’est souvent le cas dans les autres villes » insiste Christophe.
Le samedi suivant, pour fêter le début des vacances de Noël et pour profiter de la salle mise à disposition, ils organisent une compétition de skate dont les lots sont offerts par Saint-Brook, le magasin local de skateboards. Les skaters du territoire, jeunes et moins jeunes, sont au rendez-vous pour nous impressionner avec leurs figures durant cet évènement familial qui apparaît comme une oasis dans ce froid hivernal. Christophe, micro à la main, anime la rencontre avec humour. Nicolas, lui, réalise des photographies pour la communication de l’association. Impossible ne pas être époustouflé par le niveau des compétiteurs qui se donnent à fond jusqu’à terminer l’après-midi complètement épuisés.
Quand la salle n’est pas ouverte et que le temps est pluvieux, la solution ultime pour pratiquer est le parking couvert au sud de la gare. Yann et Clément, deux adolescents ayant fait une incroyable prestation durant la compétition y sont souvent. « C’est un bon spot mais on se fait régulièrement virer par la police. Ils sont même parfois agressifs avec nous. Quand nous sommes accompagnés de gens plus âgés comme Nicolas ou Christophe, ils sont étonnamment beaucoup plus respectueux. ».
Christophe déplore lui aussi que le skateboard puisse être associé à une forme de délinquance : « je ne dirai pas que le skate est un sport comme un autre car c’est aussi une culture et une forme d’art selon sa pratique. Néanmoins, c’est indéniable que sa dimension sportive en fait une activité légitime qui, à l’heure actuelle ne devrait pas souffrir de tous ces préjugés. La preuve en est que c’est désormais un sport présent aux Jeux Olympiques. »