Situé à l’extrême Sud du Vietnam, le Delta du Mékong est la région où le Mekong finit sa course en se jetant dans la Mer de Chine. Le Mekong est appelé par les vietnamiens « Fleuves Neuf Dragons » car il s’y divise en neuf fleuves formant ainsi un Delta. On y dénombre actuellement 18 millions d’habitants, soit 20% de la population du pays.
S’agissant d’une ancienne colonie française, la Cochinchine, ce territoire est connu dans la culture occidentale. C’est ici que grandit l’écrivaine Marguerite Duras et que se déroulent deux de ses romans d’inspiration autobiographique : Un barrage contre le Pacifique et L’Amant, Prix Goncourt de 1984, se déroulant dans la ville de Sa Dec.
Cette période de l’histoire est désormais pleinement révolue et l’imaginaire colonial n’est présent que pour attirer les touristes.
Aujourd’hui, dans ce nouveau Vietnam qui ne connait pas de crise économique, le Delta du Mekong est d’une grande importance économique.
Ces 50 000 km2 de plaines alluviales sont un vrai labyrinthe aquatique avec un vaste réseau de rivières et canaux. L’eau y est omniprésente.
Le fleuve et ses affluents irriguent la terre et les bateaux parcourent les canaux pour transporter les diverses denrées. Fertilité et prospérité qualifient la région depuis des siècles. Seuls les infrastructures, notamment routières, sont encore à développer. On y assure 40% de la production alimentaire du pays et 25% du PIB, ce qui lui donne une importance mondiale grâce aux exportations de riz, fruits, poissons et crustacés. La région est également un réel trésor de biodiversité. La faune et la flore y sont très riches avec de nombreux parcs naturels. Plantes, reptiles, poissons, mammifères perdurent au sein d’écosystèmes uniques.
Or, ce territoire est désormais l’un des plus fragiles de la planète, notamment à cause de sa sensibilité au réchauffement climatique.
Même si les estimations divergent, le constat est clair : il y a urgence. Une grande moitié des terres du delta est à moins d’un mètre au dessus du niveau de la mer et celui-ci devrait monter de un à deux mètres durant les prochaines décennies. Cela signifierait qu’une partie de la région devrait sombrer sous les eaux. Dans le Sud du delta, il suffit de s’éloigner des villes et de se rapprocher de la côte pour s’apercevoir que l’océan a déjà commencé à prendre le dessus sur la terre.
Le réchauffement climatique entraine aussi une accentuation des phénomènes météorologiques. Pendant la saison sèche, l’aridité est accrue avec un impact direct sur l’agriculture. A la saison des pluies, les inondations sont de plus en plus dévastatrices allant jusqu’à parfois causer des morts.
Les nombreux barrages hydroélectriques que construisent les pays en amont, notamment la Chine et le Laos, sont également responsables des nombreux maux du territoire. Le débit du fleuve étant ralenti, l’eau salée s’infiltre jusqu’à plus d’une centaine de kilomètres dans le delta et celle-ci n’est pas propice à l’irrigation des cultures, à la différence de l’eau douce. De plus, ces barrages causent une diminution drastique des sédiments qui arrivent en aval du fleuve. L’absence de ces sédiments nécessaires à l’agriculture cause également l’érosion des terres. Les rives du fleuve s’écroulent, emportant avec elles arbres et maisons.
Les barrages ne sont pas les seuls responsables de ces scènes mélancoliques. De nombreux dragages de sable sont effectués dans le lit du fleuve pour produire le béton nécessaire au développement frénétique des mégapoles de la péninsule indochinoise telles que Ho-Chi-Minh Ville, Bangkok ou encore Phnom Penh. Sur ce continent, l’expansion de ces métropoles se fait au dépend des zones rurales.
A plus petite échelle, dans le Delta du Mekong, c’est également le cas. Les grandes villes telles que Can Tho et Rach Gia ayant un rôle de carrefour commercial et culturel jouissent d’une certaine prospérité. Dans les campagnes, les habitants sont de plus en plus nombreux à connaître des difficultés pour vivre de leurs cultures et pour conserver un habitat viable. Cela entraine un exode rural qui accroit les besoins en sable et en électricité nécessitant plus d’extraction et de barrages hydroélectriques. Un cercle vicieux qui représente bien les paradoxes du développement au sein de la péninsule indochinoise.
Pour pallier ces problèmes, le Vietnam a pris différentes initiatives telles que le stockage d’eau douce ou la construction de digues mais ces mesures sont très couteuses et peinent à être efficaces sur le long terme.
Bien qu’étant plus élevés dans le Delta du Mekong que dans les régions voisines, les déplacements de populations y restent modérés car la migration vers les zones urbaines est considérée comme un phénomène mondial.
Par ailleurs, devant ces constats, les experts prédisent une crise alimentaire et migratoire de grande ampleur, sûrement l’une des plus conséquentes de notre siècle.