Loural, l’éco-village niché dans les montagnes du Portugal
PORTUGAL – SOCIÉTÉ – VOYAGE – ENVIRONNEMENT
Une heure et demie de trajet en voiture depuis Coimbra, longeant une route sinueuse, provoque une légère nausée. Néanmoins, en s’enfonçant petit à petit dans le centre du Portugal au coeur de la Serra de Açores, le paysage montagneux est à couper le souffle. Le chauffeur portugais venu de la grande ville est stupéfait lui aussi : « c’est beau n’est-ce pas ? C’est la première que je viens par ici et j’en suis ravi ». Le voyage se termine par une route abrupt faite de cailloux et de terre. Le chauffeur, ayant peur pour ça voiture, nous invite à continuer à pied jusqu’au village.
Niché dans la vallée, nous apercevons Loural, vieux village en terrasses fait de maisons de caractère construites en schiste. Certaines sont incroyablement rénovées d’autres sont encore en ruine. Elles sont entourées par différents jardins potagers sur différents étages. En bas, coule la rivière jonchée de sept cascades. C’est leur bruit qui s’impose dans le calme de cette vallée reculée.
Dimitri, français d’une cinquantaine d’années, le pas silencieux, apparaît entre deux habitations pour nous accueillir. Lui et sa femme Emilie sont, avec une douzaine d’associés, à l’origine de cette initiative visant à réhabiliter ce village. Il fut fondé au 18ème siècle par une confrérie de moines viticulteurs et fut abandonné dans les années 2000. Leur objectif est de le transformer en écovillage autosuffisant et en lieu de formation aux médecines douces et d’apprentissage artistique.
Dimitri et Emilie Klein n’en sont pas à leur premier projet de réhabilitation de village en éco-lieu. En effet, ils ont déjà des projets similaires dans le passé, notamment en Inde, en France, au Sri Lanka et en Indonésie.
ENTRETIEN AVEC DIMITRI ET ÉMILIE À LIRE EN BAS DE PAGE À LA SUITE DES PHOTOGRAPHIES
Entretien avec Émilie et Dimitri Klein
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de Loural antérieure à votre arrivée ?
Loural est un village familial créé sur plusieurs générations par la famille Moreira. C’est une famille de paysans qui semblait déjà vivre dans une certaine autonomie alimentaire avec des terrasses de culture tout autour du village. Nous avons découvert que la culture de la châtaigne mais aussi celle du raisin devaient être leurs principales sources pécuniaires. De plus, la quantité considérable d’Eucalyptus autour du village nous laisse penser que, durant les dernières années, les habitants se sont concentrés principalement sur cette ressource. Le village s’est vidé par la suite, probablement suite au départ des jeunes générations vers les villes au cours des années 1980 après la chute de la dictature.
Vers 2005, un couple d’ingénieurs a acheté le village et a commencé à le restaurer dans le but d’en faire des gîtes et un lieu de pratique de yoga et Chi-Qong. Ils ont fait un remarquable travail avec un architecte de l’école d’architecture de Porto. Suite aux incendies de 2017 ayant touché le village, ce couple a finalement décidé de revendre.
En quoi ce projet d’Ecovillage à Loural est dans la continuité de votre parcours de vie ?
Il est vrai que notre parcours de vie peut sembler original. Nous avons quitté la France à l’âge de 30 ans, à la fin des années 1990, pour partir vivre en Inde. En découvrant Auroville, un lieu de vie communautaire expérimental dans le sud de l’Inde, nous avons eu la ferme conviction qu’il était possible de vivre autrement. Nous arrivions de Paris et d’un système très consumériste totalement déconnecté de la nature. Les rencontres et synchronicités nous ont permis de fonder notre famille et de créer parmi Eco-hôtels. Parmi cela, le projet Dune en Inde s’est avéré être un grand défi : créer un écosystème en partant de zéro.
Ces lieux de résilience offraient aux gens une manière de vivre différente et ouvraient les esprits sur l’écologie, l’éco-tourisme, le social business, etc… Au fil du temps, nous avons développé un spa au cœur de l’hôtel Dune, principalement tourné sur l’Ayurvéda, le Watsu et d’autres thérapies intégratives comme le Massage Thai ancien, la Sonothérapie, l’Acupuncture, la Réflexologie etc….
Après avoir vécu 22 ans en Inde et constatant les transformations rapides du pays, nous avons estimé qu’il était temps de passer à autre chose. De là, l’envie de se concentrer sur les Médecines Intégratives s’est imposée.
Pourquoi avoir choisi le Portugal et le village de Loural spécifiquement ?
Pendant plusieurs mois, nous avons consulté sur internet des milliers d’annonces dans le monde entier. Celle de Loural est apparue et nous avons tout de suite été convaincu que c’était le bon endroit. Nous étions déjà venus en famille au Portugal quelques années auparavant et nous avions eu un coup de cœur pour ce pays. Nous avions ressenti une très forte connexion avec la terre et les Portugais, similaire à la connexion que nous avions eu avec l’Inde.
Comment avez-vous fait l’acquisition du village et comment composez-vous avec vos associés ?
L’acquisition du village a été une aventure assez rocambolesque. Au milieu du processus d’achat, nous nous sommes soudainement retrouvés sans argent. Dimitri, voulant tester l’efficacité des réseaux sociaux, a posté une annonce expliquant notre projet et faisant appel à de potentiels associés. Nous avons eu des centaines de messages positifs et des appels de toute part. C’était juste après les confinements, l’envie de participer à la création d’un lieu de résilience était dans l’air du temps. Après de nombreux coups de fil et rencontres, nous avons pu constituer le groupe qui a acheté Loural in extremis. Par la suite, le groupe s’est démantelé. Progressivement, certains ont quitté le projet, pour des raisons variées mais toutes louables. Néanmoins, comme nous sommes toutes et tous actionnaires d’une société qui détient le village, ça a compliqué un peu les choses. Avec du recul, il semblerait que toutes les personnes qui ont participé à l’acquisition du village sont apparues uniquement pour cette mission. Nous leur sommes extrêmement reconnaissants. Nous avons appris beaucoup sur nous et sur l’humain avec ce groupe. Aujourd’hui, un nouveau groupe se met en place. Nous cherchons encore quelques actionnaires-associés mais nous sommes plus prudents.
Tout le monde met la main à la pâte comme il le peut, selon ses capacités et son potentiel. Ce n’est pas toujours facile, le lieu et le projet sont très exigeants.
Qu’est-ce qu’être écologique pour vous et comment le mettez-vous en oeuvre ?
Être écologique c’est être au diapason avec la nature. Nous utilisons beaucoup le therme « permaculture du vivant » ces derniers temps. Nous parlons donc de cette harmonie totale entre l’humain et la terre. La génération dont nous sommes issues était à l’opposé de cela, c’est-à-dire complètement déconnectée de tout ce qui est « Nature » et avec un état d’esprit plutôt destructeur. Nous ne sommes pas dans l’illusion de devenir une tribu car revenir au contact de la nature est un travail constant et complexe qui demande discipline et lâcher prise. Les maitres mots dans cette quête de l’écologie sont indéniablement l’adaptabilité et l’écoute, et cela commence souvent par soi. Ainsi, l’écologie est pour nous de prendre conscience d’où nous venons et que nous sommes dans un mouvement de transition, avec un pied dedans un pied dehors. C’est aussi s’inspirer des savoirs anciens locaux et des gens qui sont dans cet activisme sincère de protéger le peu qu’il nous reste.
C’est ainsi que nous avons procédé dans nos précédents projets : être à l’écoute et essayer d’appliquer les savoirs et techniques anciennes et nouvelles en respectant absolument la nature. Tout commence par l’observation de l’environnement dans lequel on se trouve. C’est ce que nous nous attelons à faire à Loural et nous avons beaucoup de travail car c’est une région qui a été extrêmement abimée par la surproduction en monoculture de l’eucalyptus et par les incendies.
Concrètement, cela représente une série de pratiques et systèmes à mettre en place : le compostage de nos déchets, l’installation d’énergie renouvelable, la fabrication de bio gaz, l’utilisation de toilette sèche, l’entretien permanent de la rivière et des sources qui nous alimentent, la replantation d’arbres endémiques, la restauration et l’enrichissement des terres, la culture de nos légumes et fruits bio etc….
Quels sont vos moyens pour tendre vers l’autonomie énergétique et alimentaire ? Pourquoi cela compte pour vous ?
Les moyens vont être d’installer des systèmes solaires, hydrauliques et éoliens pour tout le village. L’autonomie alimentaire est plus complexe et prend du temps. Nous ne sommes pas encore capables d’estimer le volume nécessaire à l’autonomie complète. Cela compte car cette autonomie nous amènera naturellement vers plus d’indépendance. Nous cultivons pour le moment sous serre et en pleins champs sur seulement 2% de nos surfaces potentielles.
Au quotidien, comment faites-vous face dérèglement climatique ? Notamment avec les incendies ou les sécheresses ?
Nous sommes encore dans l’observation des terres et de la nature. Cette année, nous avons été totalement préservés des incendies grâce à la prévoyance du système local. L’association forestière de la région avec qui nous travaillons au programme de reforestation est intervenue en amont.
En ce qui concerne la sècheresse, nous avons cinq sources et une rivière qui traverse le village. Nous sommes dans un environnement humide et les taux de précipitations très élevés de cet hiver nous poussent à penser que nous serons assez préservés. Nous utilisons tout de même l’eau le plus consciemment possible. Pour les cultures, les anciens avaient installé un système d’irrigation avec un canal très efficace.
Pourquoi choisir de se concentrer sur les médecines et thérapies intégratives ?
C’est tout d’abord parce que nous avons eu la chance de l’expérimenter et que nous avons été convaincu !
Chaque être humain est unique et cela nous semble tellement logique que l’individu soit considéré dans sa globalité et son unicité. Il n’y a pas une médecine universelle mais un univers de thérapies et de médecines. En développant un centre de formation, nous avons l’espoir de donner accès à une palette assez large d’outils de soins aux thérapeutes et médecins qui sont dans cette démarche.
Il nous a paru évident qu’il fallait trouver une activité fédératrice dans le lieu car nous ne voulions pas nous retrouver juste dans un « écovillage autonome et communautaire ». D’ailleurs nous ne sommes pas très à l’aise avec le terme de communauté, et même celui de collectif. L’idée est plutôt axée sur un groupe d’individus qui partage certaines valeurs de vie et qui travaille ensemble sur ce thème commun.
Comment souhaitez-vous continuer de développer des médecines et thérapies intégratives ?
C’est un sujet très vaste que nous avons choisi car la thérapie se réalise dans une multitude de domaines (par exemple : la nourriture, le son, l’art, l’eau, le corps avec le yoga, Tai Chi, le massage, etc…) Nous avons donc commencé par accueillir des ateliers de formations sous forme de « retraite immersion ».
Dans l’idéal, lorsque nous serons bien rodés, nous aimerions beaucoup travailler également avec les écoles et créer des week-ends pour les plus jeunes autour de la permaculture, de l’art et du son.
Quels sont les autres axes que vous souhaiteriez développer à Loural ?
Il y a un axe important dans ce projet et qui n’est pas du tout visible en ce moment c’est évidemment l’apprentissage du « vivre ensemble » car nous sommes un petit groupe qui se fait et se défait. L’axe primordial que nous souhaitons développer est cette recherche de la formule qui va nous permettre de vivre et travailler ensemble avec simplicité et harmonie. Nous avons confiance, cela va se mettre en place au fur et à mesure. Nous l’apercevons déjà.
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